20 juin #42
« Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte. »
Chanson d’automne, Paul Verlaine
Nuit. Jour.
Je suis une fille du vent.
J’aime quand les murs de la grande bâtisse blanche craquent, quand les portes claquent et que le vent siffle sous les fenêtres.
J’aime quand les nuages courent dans le ciel et qu’ils s’allongent.
J’aime quand la mer se déchaîne, quand les embruns deviennent des couteaux acérés et qu’ils vous fouettent le visage.
J’aime quand les plages se vident, quand les enfants font des voiles avec leurs serviettes de plage et rêvent de s’envoler en courant sur le rivage.
J’aime quand le vent rafraîchit les eaux d’été et qu’il nettoie les plages de leurs impuretés.
J’aime quand le vent nous force à reprendre les chemins de terre et à regarder les flots s’agiter du haut de la vallée.
J’aime quand le vent nous coupe du monde, quand il interrompt nos vacances et nous ramène à des temps anciens.
J’aime quand les cargos passent à l’horizon et j’aime imaginer les passagers confinés dans leurs cabines, accablés par leur mauvaise fortune.
J’aime quand le vent détruit nos misérables possessions et qu’il se moque de nos prétentions et ricane sous sa cape.
J’aime quand les digues rompent et réduisent nos espérances.
J’aime quand le vent se charge de défaire ce qui n’aurait pas dû être fait.
J’aime quand le vent, harassé, s’attaque à ceux qui prétendent empêcher son passage.
Et comme j’aurais aimé que le mur de la honte s’écroule après une forte bourrasque, que les frontières s’ouvrent et que le vent reprenne ses droits en laissant ces femmes et ces hommes traverser les plaines arides.
Et comme je voudrais que ce même vent emporte loin dans quelques mois l’homme à la tête d’orange et qu’il nous lave de ces quatre années.
Et comme je voudrais le voir s’envoler au vent mauvais, et qu’en finisse 2020.
Jour. Nuit.